[1885]
Lettre autographe signée
Octave MIRBEAU
à son « cher ami »
[le peintre Jean-François Raffaëlli]
[son roman Le Calvaire]
« .. PLUS DECIDE QUE JAMAIS A LUI DONNER L’ALLURE VENGERESSE… »
400€
Disponible
Description
Le Rouvray, [vers l’été 1885].2 pp. 1/2 in-8.
Belle et longue lettre évoquant l’écriture de son roman Le Calvaire consacré à la célèbre « affaire Gyp »:
«Je suis d’une tristesse morne , d’un découragement complet ! mais nous parlerons de cela plus tard.
J’ai appris par un bête article de ce bandit de Blavet que vous aviez passé votre été à Jersey .. avez vous travaillé ? Moi Je n’ai pas quitté la campagne. J’y ai commencé un roman, qui me donne bien du tracas et bien de l’ennui… A la suite d’un incident que je vous conterai, j’ai dû momentanément renoncer à ce livre que j’avais projeté mais je suis plus décidé que jamais à l’entreprendre, et plus décidé que jamais à lui donner l’allure vengeresse... «
Il évoque aussi «l’inanité » du métier de chroniqueur auquel il se sent condamné pour vivre, relate ses démêlés avec les journaux, et avoue sa neurasthénie :
» Et puis je ne sais ce qui se passe en moi. J’ai le désir des choses hautaines, mais ce désir reste à l’état de désir, d’inspiration vague, et ne peut se formuler dans une réalisation… »
Il ajoute : « Ce que je disais dans mon article sur Zola est la vérité. Il ne me reste que l’admiration. Or je veux admirer ceux que j’admire, et vous êtes de ceux-là, très rares et dans la bonne place. ».
Il annonce tout de même la publication d’« un petit volume de contes et d’études paysannes et bourgeoises », Les Lettres de ma chaumière, qui allaient paraître en novembre 1885..
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Une affaire qui empoisonna sa vie de 1884 à 1888 et provoqua sa radicalisation antisociale. Au sortir d’une relation avec une courtisane, Octave Mirbeau noua vers l’automne 1884 une liaison avec Augustine Toulet, dite Alice Regnault, ancienne comédienne enrichie dans la galanterie. En octobre 1884, la femme de lettres mondaine Gyp (Sibylle de Mirabeau, comtesse de Martel), apparemment jalouse, accusa Alice d’avoir voulu la défigurer avec du vitriol: une enquête de police s’ensuivit qui n’épargna pas Octave Mirbeau, lequel partit s’isoler au Rouvray. Gyp le poursuivit de sa vindicte en publiant en juin 1885 un roman à clef intitulé Le Druide, où elle livrait une version de l’histoire à charge pour Alice, mais aussi en portant de nouveau plainte en juillet 1885 contre Octave Mirbeau, sur le chef d’avoir tiré au pistolet sur elle. L’écrivain, desservi par sa réputation en raison de ses articles passés vilipendant les juges et les chroniqueurs judiciaires, subit encore les désagréments d’une longue enquête , ne reposant que sur élucubrations de Gyp , les poursuites furent abandonnées vers l’été 1886.
Ce pénible événement joua un rôle déterminant dans la vie d’Octave Mirbeau , provoquant chez lui une radicalisation politique qui explique la virulence dont il ferait montre contre les institutions civiles et militaires lors de l’affaire Dreyfus.