« Vous m’ avez demandé des nouvelles de Pierre Louÿs, disons de Corneille. En voici de toutes fraiches…
… Pierre Louys est plus ferme que jamais dans sa nouveauté . Cette hydre n’ a encore qu’une tête, mais quelle tête. On y trouve une conviction, une lucidité, une connaissance de son affaire qui m’impressionnent.
On y trouve aussi quelque irritation , et même une véritable colère. Louÿs s’indigne qu’on n’attende pas de connaître le développement de ses arguments ….. ce qui l’ affecte le plus, c’est l’opinion que plusieurs ont émise et qui conclut à une mystification littéraire.
Mais cette irritation même aiguise merveilleusement son désir d’avoir raison. L’objection tire de lui des arguments nouveaux. Le voici donc qui lit Corneille comme jamais personne encore ne l’a su lire.
Je crois vous avoir dit que n’étant pas historien….. je ne savais pas prendre parti dans cette affaire. Je m’incline – vaguement devant l’histoire documentaire établie. Mais il y a un autre homme en moi, dont le malheur des temps a fait un artisan en matière de vers… C’est cet artisan, ce manœuvre que les récentes recherches de Pierre Louÿs ne laissent pas d’inquiéter, parfois presque jusqu’à le séduire.
Louÿs a fait subir , dans ces derniers temps, à un nombre considérable de vers , tant de Corneille que de Molière, une analyse presque spectroscopique. Nous sentions tous que Corneille a été le plus expert et le plus sur constructeur de vers français. La structure de son vers est incomparable. Mais ce n’était qu’une impression, bien réelle.. A l’aide de cet appareil d’analyse P.L. se fait fort de montrer la différence presque essentielle qui existe d’après lui entre le vers cornélien et celui de TOUS les autres poètes français , Racine , Hugo , etc.. .. mais comme seul Molière, en tels et tels endroits de son œuvre contient, au contraire des vers construits sur le type singulier , caractéristique de Corneille , – il en résulte …
Voilà ce que j’ai vu …
… quoiqu’il en soit , s’il n’arrive pas à changer le meilleur de Molière en du Corneille, je crois bien qu’il fait de Corneille, un auteur à ce point renouvelé qu’il en parait nouveau .. … »