Description

Article paru avec quelques variantes dans le Figaro du 12 janvier 1924, sous le titre « La première édition du Désespéré ».

« ... BLOY n’était pas un inconnu pour moi. Je l’avais rencontré un soir chez Huysmans. Dans une petite pièce mal éclairée, où les ors légers sertissaient des Forain et des Degas et des Rops indistincts, plus au fonds de la pénombre, un homme, une masse grise semblait sommeiller, mais de temps en temps se réveillait pour, au cours d’une conversation où le prochain littéraire n’était point ménagé, déclarer nécessaire une application de coups de pied quelque part à l’écrivain cité. C’était morne et monotone.
Je revis donc Bloy dans une petite brasserie avec Soirat à l’heure de l’apéritif. Encore que la saison fit chaude, il ne s’était point démuni d’un lourd paletot à capuchon. Il était éloquent, et ses vitupérations n’étaient point sans intérêt. Le masque gros, lourd, camus, se trouait de deux yeux assez gros, mais assez beaux dont l’éclat congruait aux mouvements saccadés d’une mèche noire sur le front. Des fils gris aux tempes affirmaient qu’à sa véhémence il joignait de l’expérience.
L’amertume de sa parole s’aigrissait de ce qu’il venait d’être mis au courant de la détermination de Stock. Avait-il tort ou raison dans ses attaques ? En tout cas, c’était un écrivain bâillonné, un homme molesté ! Et cela suffisait pour me le rendre sympathique….« 

ref:cl/cat.lit